Selon les données de l’association VCÖ qui milite pour une mobilité verte, on comptait 6,5 M de vélos en état de marche en circulation pour 8,86 M d’habitants en 2019, ce qui excédait de 1,5 M d’unités le nombre de voitures en circulation. Les dynamiques prises par l’industrie du vélo en Autriche ces dix dernières années ont d’ailleurs montré une évolution positive tant qualitative que quantitative. 

Le réseau cyclable autrichien est développé dans l’ensemble des Länder et offre de multiples connexions. A titre d’exemple, le Tyrol ne compte pas moins de 5 600 km de pistes cyclables. Cette qualité d’infrastructures se retrouve dans l’ensemble du pays : en Carinthie, en Styrie, dans le Burgenland... On peut de même citer la piste cyclable longeant le Danube (« Donauradweg ») qui lie Vienne à Bratislava, capitale de la Slovaquie. 

Les vélos font aussi partie intégrante du paysage urbain de la capitale autrichienne. 50 700 places de stationnement y sont même consacrées. La commune de Vienne disposait d’ailleurs à elle seule de 1 654 km de pistes cyclables en 2020, un chiffre qui augmente d’année en année. 

Les tendances observées sur ces dix dernières années traduisent un marché autrichien des vélos en plein essor et de plus en plus intéressé par les « e-bikes ». 

Les grandes dynamiques du marché des vélos en Autriche jusqu’en 2019 

1. L’Autriche, un marché clé pour le vélo

Le vélo est un moyen de transport plébiscité par les Autrichiens. Selon Statistik Austria, 77 % des ménages autrichiens en possédaient au moins un en 2019 (plus en détail : 68 % des moins de 30 ans, 84 % des 30-44 ans, 83 % des 45-59 ans et 67 % des plus de 60 ans). A titre indicatif, à Vienne, 61 % des ménages disposent d’un vélo en état de marche. 

La petite reine représente de ce fait un quart du chiffre d’affaires total du marché autrichien des articles de sport, soit 700 M EUR. Plus généralement, elle est le premier moyen de locomotion produit de 2017 à 2019 en Autriche. C’est-à-dire devant les motos, puis les voitures et enfin les poids lourds. 

La concurrence sur le marché est assez diversifiée. Le leader local est la firme KTM dont le chiffre d’affaires actuel s’élève à 270 M EUR. On retrouve également la présence d’acteurs allemands tels Centurion Germany, Hercules ou Cube mais aussi d’autres grands du secteur comme Giant, Cannondale ou Scott.  

2. Le pays importe plus qu’il n’exporte de vélos 

Quoique caractérisée par des acteurs de renom, du point de vue des échanges internationaux, la balance commerciale autrichienne du marché du vélo est déficitaire : l’Autriche importe davantage de bicyclettes qu’elle n’en exporte et n’en produit.  

Le pays alpin importe principalement des vélos depuis le Cambodge (146 000 unités en 2020), suivi de l’Allemagne (121 880 unités) et de la Tchéquie (79 196 unités). On notera que le Cambodge est ici comptabilisé en tant qu’exportateur cycliste vers l’Autriche en raison de ses infrastructures de production et la République Tchèque de ses capacités logistiques.  

En ce qui concerne les exportations, l’Allemagne est de loin le premier pays à acheter des vélos autrichiens (117 562 unités exportées en 2020). Suivent la Hongrie (8 476 unités) et la Slovénie (5 842 unités).  

La France n’est ni présente parmi les dix premiers pays d’où l’Autriche importe des vélos, ni parmi les dix premiers vers lesquels elle en exporte. 

3. Fort pouvoir d’achat, recherche de qualité de la part des consommateurs et montée en gamme de l’offre 

On peut observer une augmentation constante de la valeur du marché du vélo, son volume variant plus modérément. Ainsi, durant la période 2010 à 2020, 413 000 vélos étaient vendus en moyenne chaque année en Autriche avec un pic des ventes observé en 2018.  

La croissance du marché s’est principalement caractérisée par une recherche grandissante de qualité de la part des consommateurs qui impacte le prix moyen des vélos : celui-ci s’affirme à la hausse. Concrètement, le prix moyen d’un vélo neuf est passé de 780 EUR en 2015 à 1 585 EUR en 2019, soit une augmentation de 103,2 % en moins de 5 ans.  

Parallèlement, la part du budget des ménages réservée à l’achat d’un vélo s’est accrue. La somme des dépenses de consommation privée des ménages autrichiens dans le marché du vélo s’élevait en effet à 265 M EUR en 2015, contre 348 M EUR en 2019, soit une augmentation de 31,3 % en 5 ans. Cela peut s’expliquer par deux facteurs. Premièrement, la demande s’adapte aux prix de l’offre qui augmentent. Deuxièmement, les ménages autrichiens, qui bénéficient de l’un des pouvoirs d’achat les plus élevés d’Europe, se montrent prêts à payer plus cher pour des vélos de meilleure qualité.  ​​​​​​​

4. Véritable boom des « e-bikes » et légère progression des vélos pour enfants et adolescents 

Si la gamme des vélos consommés en Autriche est assez vaste et concerne de nombreux sous-secteurs, on remarque une forte croissance du segment « e-bikes ». Selon la VSSÖ (l’association autrichienne des équipementiers sportifs), l’Autriche est le 3^e plus gros consommateur d’ « e-bikes » dans l’espace européen et le premier dans l’espace germanophone. Dès lors, croiser un vélo à assistance électrique n’est plus un phénomène extraordinaire dans le pays alpin. Et l’on assiste à une explosion progressive de leurs ventes faisant relativement baisser les parts de marché occupées jusqu’à présent par les vélos « classiques ». En fait, entre 2016 et 2019, la part de marché de l’« électrique » est passée de 21,55 % à 38,92 % soit une évolution positive de 17,37 points de pourcentage. 170 000 unités ont été vendues en 2019. Cette augmentation des ventes vient d’ailleurs gonfler le chiffre d’affaires total des vélos autrichiens, la valeur moyenne d’un vélo électrique excédant largement celle de son pendant traditionnel (2 803 EUR). Les consommateurs d’e-bikes se classent plutôt dans les catégories d'âges plus élevées. C’est une manière pour cette population de continuer une forme d’activité sportive et de profiter des avantages qu’offre le vélo : la flexibilité, le coût d’entretien plus faible que la voiture et l’adaptabilité.  

Les « e-bikes » rattrapent donc progressivement les vélos destinés à un usage commun pour la route et la ville. Ces derniers n’occupaient plus que 44,7 % des parts de marché en 2019, soit une baisse de 10,3 points de pourcentage par rapport à 2017, année durant laquelle ils représentaient encore 55 % des ventes. 

Mais on note aussi une légère progression des vélos pour enfants et adolescents. Sur la même période, leur part a augmenté de 0,7 point de pourcentage, passant de 15,7 % à 16,4 % des parts de marché. Woom est d’ailleurs une marque locale phare de ce segment, qui, créée en 2013 et avec un chiffre d’affaires de 30 M EUR, illustre le dynamisme du secteur.  

Un impact positif de la pandémie de Covid-19 sur le marché autrichien et son avenir ? 

1. Après quelques mois problématiques, le marché s’est montré plus dynamique en 2020 qu’en 2019 

La pandémie a eu un impact non négligeable sur l’ensemble du marché. Durant les premiers mois de la crise sanitaire, la fermeture des commerces stationnaires a engendré des surcoûts liés aux stocks pour les magasins de vélos. Ces quelques mois d’arrêts économiques à partir de mars 2020 ont été accompagnés de 50 % d’invendus par rapport à l’année 2019 pendant la même période.  

Néanmoins, le marché du vélo a été plus dynamique en 2020 qu’en 2019. La production de bicyclettes a augmenté de 5,2 % (180 000 unités supplémentaires produites) et les ventes de 12,9 % (496 000 unités). Au niveau de la balance courante, les exportations depuis l’Autriche ont augmenté de 14,9 % (20 000 unités supplémentaires exportées soit 180 000 au total) alors que les importations s’élevaient à 8 % supplémentaires.  

Les fabricants autrichiens sont néanmoins confrontés à des problèmes d’approvisionnement en pièces. Si la hausse des ventes due à la pandémie a effectivement dynamisé le secteur, elle a aussi fragilisé les chaînes d’approvisionnement, tout comme d’autres évènements impactant le commerce international. Face à une forte demande le marché est donc tendu.

​​​​​​​2. Avec la crise, l’usage renforcé du vélo s’ancre dans les mentalités et pourrait entraîner développement d’infrastructures et demande renouvelée pour les « gravel bikes » 

Les chiffres de 2021 se montrent également très encourageants. Le chiffre d’affaires de vente de vélos du premier semestre 2021 est supérieur de 20 % à celui de l’année 2020 durant la même période. Dans le même temps, la circulation à vélo à Vienne, pour ne citer qu’un exemple, a augmenté de 12 % en 2020 par rapport à 2019. Selon un sondage de la VCÖ, 26 % des Autrichiens utilisent davantage leur vélo depuis la crise sanitaire. 

Selon une étude de la VCÖ en 2017, 60 % des trajets en voiture en Autriche sont inférieurs à 10 km et donc effectuables à vélo. Le « Radlobby Österreich » explique le recours à la voiture par un manque d’infrastructures. « Le manque d’infrastructures sur le réseau cyclable est le frein le plus récurrent pour ceux voulant quitter la voiture pour le vélo ». Toutefois, selon un récent sondage, 45 % des Autrichiens considèrent que le réseau cycliste autrichien sera « un peu plus » développé à long terme des suites de la pandémie. On observe par ailleurs que de plus en plus de magasins de réparation de vélos voient le jour en ville. 

Aussi, la demande vers des « gravel bikes » augmente. Ce type de vélo est adapté à tout type de terrain, ce qui traduit une volonté toujours plus importante des utilisateurs d’augmenter les déplacements à vélo, ce dernier devenant polyvalent et répondant à de plus vastes utilisations. 

​​​​​​​3. La pandémie fait évoluer les canaux de distribution renforçant la vente en ligne et ouvrant des portes aux nouveaux modes de consommation des vélos

En termes de distribution, on observe que comme pour d’autres secteurs et pays, la fermeture des magasins en raison des mesures sanitaires a nettement favorisé le commerce en ligne. Cette tendance ne saurait qu’être confirmée sur le marché des vélos en Autriche. De ce fait, trois sites de vente en ligne de vélos se sont démarqués et dominent à l’heure actuelle le marché. Selon les retours et appréciations de clients ayant utilisé des services d’achats en ligne, « bike24.at », « fahrraddiscounter.at » et « mountainbiker.at » s’imposent avec une moyenne de satisfaction client évaluée à 7/10 au minimum pour chaque site (chiffres de février 2021). Les grands acteurs du sport comme Sport 2000, Intersport ou même Decathlon savent également profiter de l’impulsion apportée par la pandémie à une tendance ayant débuté avant celle-ci. 

De manière générale, on remarque un attachement des Autrichiens au fait de posséder leur propre vélo. En effet, si depuis 15 ans, le paysage urbain viennois est agrémenté des « Citybike » (1 500 véhicules, 120 stations 24/7), ce type de consommation est surtout viennois. Dans le même temps, les initiatives de vélos partagés sans quai d’attache n’ont pas tenu plus de deux ans à Vienne. Le principe de fonctionnement reprenait celui des trottinettes électriques, moyen de locomotion urbain aujourd’hui en vogue. 

Mais la période pandémique a aussi vu apparaître de nouveaux acteurs qui proposent des modes de consommation alternatifs sur le modèle « bike-as-a-service ». Swapfiet a par exemple récemment lancé son modèle de location de vélo dans la capitale autrichienne.

En conclusion, le marché autrichien du vélo devrait avoir de beaux jours devant lui. Loin d’avoir fragilisé le marché, la pandémie n’aura en réalité fait que renforcer des tendances déjà présentes et ancrées dans la culture autrichienne. Pour des raisons écologiques, budgétaires, pratiques ou encore sportives, la petite reine consolide toujours plus et progressivement sa place de choix parmi les moyens de transport utilisés et préférés par les Autrichiens. Et la pandémie aura indéniablement changé les modes de déplacement de ces derniers, déjà attachés au vélo. La bicyclette aura convaincu plus largement la population y compris les moins sportifs, et ce notamment grâce à l’assistance électrique en équipant certaines, et dont la part de marché ne cesse de grandir. Les Autrichiens, déjà culturellement attachés au vélo ne semblent pas prêts de s’en séparer, bien au contraire. 

​​​​​​​

Sources : Fahrrad Wien, 07/2021, www.fahrradwien.at ; Manuel Friedel, 06/07/2021, Textilzeitung ; Globalbiker, 2021, www.globalbiker.org ; Radlobby Österreich, 2019, www.radlobby.at ; Statistik Austria, 22/11/2020, www.statistik.at ; Statista, 2020, www.de.statista.com ; VCÖ, 2017, 2018, 2019 et 2020, www.vcoe.at ; Ville de Vienne, 2020 et 2021, www.wien.gv.at et www.wien.info ; Wirtschaftkammer Österreich, 2019, www.wko.at